Ma vie avait été si longtemps
dominée par le mot « je » : je suis différent ; je suis un cas
spécial ; je n’en ferai qu’à ma tête … Mais grâce à l’amour et à la
tolérance dont ont fait preuve à mon égard mon parrain, mon groupe d’attache et
ceux que j’appelle ma famille d’élection – ces amis proches avec qui le partage
est intense -, j’ai appris qu’effectivement je suis spécial, unique. La différence,
c’est qu’aujourd’hui je sais que je suis ni plus unique ni plus spécial que
vous, que nous sommes tous différents bien qu’unis par notre souffrance
commune, l’alcoolisme. Sous cet angle particulier nous sommes les mêmes.
A mes débuts, (ce qui est parfois
synonyme d’hier !), cette « maladie de l’ego » se manifestait de
bien des façons. Je n’avais pas tout à fait un an d’abstinence quand mon groupe
d’attache me suggéra d’assumer le rôle de secrétaire. Tout en protestant
mollement, arguant de mon incompétence, mais en sachant au fond de moi-même que
mes compagnons avaient fait le bon choix, je devins en l’espace de trois
semaines un mégalomane assoiffé de pouvoir, moi si timide, si fébrile, si
inapte à partager. La disposition des chaises changea, ainsi que pratiquement
tout ce qui pouvait l’être et je me mis à modérer mieux que le modérateur.
Après tout, j’étais le patron.
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